Les sujets d’ESH à Écricome en 2017 sont les suivants :
- Un État doit-il s’inquiéter de l’augmentation de sa dette publique ?
- Faut-il lutter contre les inégalités économiques ?
On est en présence de deux sujets super classiques. Des sujets de cours. Dans ces situations, il faut bombarder et mettre pas mal de références et de graphiques pour sortir du lot. Je pense que la majorité des candidats n’ont pas du tout été déstabilisés par ces sujets. Ecricome a su être plus “hard” dans ses sujets (voir l’analyse et les corrigés des sujets tombés entre 2011 et 2016 en dissertation à écricome).
Sujet #1 Un État doit-il s’inquiéter de l’augmentation de sa dette publique ?
On est sur un thème classique, mais d’actualité (situation budgétaire de la France, cas de la Grèce …).
Wikipedia propose la définition suivante de la dette : “La dette publique est, dans le domaine des finances publiques, l’ensemble des engagements financiers pris sous forme d’emprunts par l’État, les collectivités publiques et les organismes qui en dépendent directement (certaines entreprises publiques, les organismes de sécurité sociale, etc.).”
Derrière ce sujet on retrouve l’éternel affrontement entre libéraux et keynésiens. Les libéraux prônant l’équilibre budgétaire et un état minimal (les classiques et néoclassiques appelaient cela l’état gendarme et s’opposaient vigoureusement à l’état providence). On peut citer ici les auteurs critiques de l’action de l’état : HAYEK (La route de la servitude, même si cet ouvrage s’attaque surtout au planisme), FRIEDMAN (Effet Crowding Out), l’effet RICARDO-BARRO (critique de la relance budgétaire). J’en passe et des meilleurs. Du côté des keynésiens, on voit l’endettement public comme un passage obligé pour renouer avec la croissance et lutter contre les crises. C’est la théorie du “Deficit Spending” de KEYNES (Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, 1936). Aujourd’hui des auteurs comme KRUGMAN ou STIGLITZ (Stagnation by Design, 2015) dénoncent l’austérité imposée à la Grèce et prône pour une relance keynésienne en Europe afin d’écarter durablement le spectre de la stagnation séculaire et de la déflation. Notons que la politique budgétaire seule ne peut pas le faire, elle a besoin de marcher main dans la main avec la politique monétaire (conformément au modèle IS/LM et pour éviter un “jeu destructeur” tel que l’a théorisé NORDHAUS). On voit bien qu’il y a énormément de choses à dire !
Je pense que le point intéressant de ce sujet c’est qu’Ecricome nous demande si l’État doit s’inquiéter, l’État ! Pas si les citoyens, les entreprises ou encore les institutions financières internationales (FMI, Banque Mondiale, …) doivent s’inquiéter. L’État. Pourtant ce sont les citoyens et les entreprises qui devront rembourser la dette (via la fiscalité principalement). Ce sont souvent des institutions internationales qui tirent la sonnette d’alarme et cherchent à gérer les crises des dettes publiques (prêts, politique d’ajustement structurel, etc.). Mais l’État s’inquiète-t-il ? Le pouvoir ne vit-il pas une “bulle”. Sans parler de l’administration persuadée d’incarner l’intérêt général (ce qui fait hurler de rire des auteurs libéraux comme JM DANIEL). Je pense qu’il y a un vrai débat ici ! Un débat que pas mal de gens n’ont pas vu. L’État et l’administration n’ont pas forcément la même perception de la réalité que la sphère privée. Mais ils n’ont pas non plus la même perspective et les mêmes objectifs.
Subtilité: il ya les PDEM et les PED ! On pense tout de suite au PDEM, mais certains PED aussi ont des problèmes de dette publique. Les pays d’Amérique latine pendant les années 1980, l’Argentine en 2001 ou encore les administrations territoriales en Chine aujourd’hui (dans le cas chinois, on souffre d’une opacité sur les comptes des administrations locales).
Il fallait mobiliser des graphiques, je propose: IS/LM avec les keynésiens, la courbe de Laffer de la dette de Paul KRUGMAN (qui milite pour une répudiation de la dette) ou encore un effet crowding out (effet d’éviction) de FRIEDMAN.
Proposition de plans (attention, il y a bien sûr plein de possibilités de plans !)
I) Il semble que les États devraient s’inquiéter
A) Préoccupation croissante dans les PDEM confrontés à un endettement massif. Crise des dettes de la zone euro. Cas américain. Loi de WAGNER. Mauvaise gestion des dépenses (Rapport de la Cour des comptes). Effet boule de neige de la dette. D’autant plus (vision libérale) que les dépenses publiques ne sont pas efficaces (FRIEDMAN, NORDHAUS).
B) Un État qui risque de ne plus parvenir à remplir sa mission; faillite (Argentine 2001), danger de devoir subir une austérité destructrice (le PIB grec a reculé de 25 % entre 2010 et 2015). On connait les cas historiques de l’austérité de BRÜNING pendant l’Allemagne de Weimar (#PointGodwin !). Question de la pérennité du service public, de sa continuité (école, santé, sécurité …). Il y a donc inquiétude !!
II) L”inquiétude n’est pas forcément nécessaire
A) On peut se demander avec les auteurs keynésiens comment la dette publique peut être utilisée pour renouer avec la croissance. Cela en combinant politique monétaire et budgétaire. Ben BERNANKE suggérait lui de déployer les dépenses publiques pour lutter contre le spectre de la stagnation séculaire. Toujours dans une vision keynésienne, on peut dire que l’inverse ou que les “solutions de choc” comme l’austérité sont sensiblement plus destructrices. PONTICELLI & VOTH (Austérité et anarchie) ont aussi montré que la baisse des dépenses publiques entrainait une augmentation de la violence politique et sociale.
B) L’inquiétude est d’autant plus superflue puisqu’il existe des solutions: répudiation partielle ou totale (suggérée par PIKETTY par exemple, mais aussi théorisée par KRUGMAN), inflation (“euthanasie des rentiers” pour KEYNES) ce qu’on a un peu fait avec le Quantitative Easing de la BCE qui sert indirectement à financer la dette des pays de la zone euro
III) Il y a dette et dette ! Dépenses et dépenses
A) Il faut penser la dette au pluriel: tous les emprunts n’ont pas la même échéance ou les mêmes taux d’intérêt. Il faut donc distinguer les cas. Enfin, l’augmentation de la dette ne veut pas dire grand-chose, il faut la rapporter à un indice (PIB). Si le PIB augmente plus rapidement que la dette alors ce n’est pas un problème. C’est ce qui explique que la dette publique française passe de 300 % du PIB à la fin de la Seconde Guerre mondiale à 20 % pendant les trente glorieuses. C’est entre autres grâce à la croissance (TCAM de 5 %). Ce qui devrait nous inquiéter c’est l’insuffisance de la croissance ! Cette insuffisance qui limite le volume des prélèvements obligatoires et cause le chômage (loi d’OKUN). Ces deux tendances aggravant la situation des finances publiques.
B) Pour comprendre la dette, il faut aussi comprendre la nature des dépenses. Toutes les dépenses se valent-elles ? La France a 50 % des ronds-points d’Europe (alors moi j’ai toujours pas passé mon permis donc j’ai un peu du mal avec les ronds-points, mais 50 % ça parait beaucoup). Sans parler des dépenses de fonctionnement des administrations (doublons, sureffectifs …). “Un investissement n’en vaut pas un autre, une dépense n’en vaut pas une autre” disait HICKS (un keynésien). La nature des dépenses est très souvent passée sous silence je trouve. PIKETTY critique l’évasion l’optimisation fiscale des FMN et le manque de recettes fiscales, Oxfam aussi… mais quid des dépenses ? Quid de l’argent balancé par la fenêtre ? On peut se demander quelles dépenses pourraient nous permettre de renouer avec la croissance (ROMER, LUCAS, BARRO avec la croissance endogène: infrstraucture, capital humain, R&D, …). C’est tout un débat !
Sujet #2 Faut-il lutter contre les inégalités économiques ?
Comme on l’a dit c’est un sujet de cours.
“Une inégalité, du point de vue social est une différence dans l’accès à des ressources sociales rares et valorisées, ressources étant entendu au sens le plus large, incluant toutes les possibilités d’actions humaines : politique, économique, culturelle, sociale, sexuelle, etc.Les inégalités sociales sont donc le résultat d’une distribution inégale des ressources au sein d’une société” (Wikipedia). Ici on s’intéresse aux inégalités économiques ! Donc: patrimoine et revenu. On peut néanmoins avoir une perspective dynamique et prendre en compte l’inégalité des chances. Enfin, il y a l’inégalité de développement entre les pays. On le sait (BOURGUIGNON, La mondialisation de l’inégalité), les inégalités entre les pays ont augmenté pendant la première mondialisation (1860-1914), mais se sont réduites avec la seconde mondialisation (1970-aujourd’hui). Les inégalités au sein des pays ont atteint un sommet dans les années 1920, se sont réduites pendant les trente glorieuses et sont remontées depuis les années 1980.
La question de la lutte suppose de s’interroger sur les outils pour y parvenir et leur efficacité relative. Mais il faut surtout s’interroger sur qui doit mener la lutte. Naïvement on dirait l’État, mais les citoyens et les entreprises (RSE) n’ont-ils pas leur part de responsabilité ? “L’État ne peut pas tout” disait Jospin !
À nouveau dans ce sujet, on retrouve un conflit entre les interventionnistes (il faut lutter contre les inégalités au nom de la justice sociale et de l’efficacité économique – on pense ici à la loi psychologique fondamentale de KEYNES) et les libéraux pour qui les inégalités sont souvent justes (SCHUMPETER et l’innovateur) et l’action de l’État par nature inefficace et malsaine (on en a parlé dans l’autre sujet, mais on peut rajouter la courbe de LAFFER et des théories comme ça).
Parmi les graphiques qu’on pouvait faire: Coefficient de GINI et courbe de LORENZ, Triangle d’HARBERGER (critique de la fiscalité), et courbe de LAFFER.
J’avais fait ce sujet dans ma masterclass donc mes élèves ont du se faire plaisir !
Proposition de plans :
I) Oui il faut lutter
A) Au nom de la justice sociale
B) Au nom de l’efficacité économique
II) Non il ne faut pas (vision libérale)
A) Les inégalités sont justes
B) La lutte est inefficace et cause des distorsions
III) Au XXIe siècle, il faut repenser ce débat
A) Révolution numérique, nouvelles inégalités et importance de la formation
B) Réformer les états pour faire face aux enjeux présents et futurs : économie de la connaissance, compétitivité, politique de l’innovation (pour éviter un déclassement du pays et le creusement d’une inégalité de développement).
1 Commentaire. En écrire un nouveau
Salut Arnaud, peut-on traiter le sujet sur les inégalités sans faire référence au fait que faut-il veut aussi dire : “Cela est-il possible ? N’est-ce pas une entreprise vaine ? Ou à l’inverse cela n’est-il pas inutile si les inégalités se réduisent mécaniquement ?” ? Le mot “lutter” semble poser comme présupposé que les inégalités sont inhérentes à l’économie de marché, un “vent contraire”, c’est loin d’être un consensus pourtant non ?
Il pourrait y avoir un potentiel débat entre la vision mécanique de la courbe de Kuznets ou des libéraux comme Lewis (les inégalités se résorbent d’elles-même) et le rôle des institutions ou des chocs exogènes mis en évidence par Piketty dans le Capital au XXIème siècle qui sont nécessaires pour réduire les inégalités (seul l’intervention de l’Etat, les crises, guerres ou inflation peuvent réduire les inégalités)
Sur la question de la dette, comment ne pas se soucier des inquiétudes des marchés financiers, dans la mesure où ceux-ci ont le pouvoir de faire évoluer la dette d’un pays brutalement ? Ne fallait-il pas voir dans s’inquiéter la prise en compte de l’incertitude du futur comme en témoigne le cas de la crise de la dette subite des PED dans les années 80 lorsque la politique de la FED se retourne brutalement ? Quid de l’augmentation des spreads en Europe selon les résultats des sondages aux présidentielles ? Autrement dit, un pays ne doit-il pas s’inquiéter de voir du jour au lendemain sa dette “augmenter” et devenir incontrôlable si sa dette est déjà à un niveau très élevé ?
Merci !